Valenciennes Métropole : 20 ans aux avant-postes de la rénovation urbaine
Interview Sylvain Broussard - Directeur général adjoint Valenciennes Métropole - Juin 2022
Laboratoire de la politique nationale de rénovation urbaine, la Métropole de Valenciennes a misé de longue date sur la cohésion intercommunale pour mener à bien ses projets. Le travail partenarial mené par la Métropole et les communes permet de définir des stratégies d’aménagement à la hauteur des nouveaux enjeux urbains. Sylvain Broussard, directeur général adjoint de Valenciennes Métropole, partage sa vision de l’évolution des politiques d’aménagement de la collectivité et des défis pour demain.
Quel est l’état du marché du logement dans la Métropole de Valenciennes ?
Sylvain Broussard : Nous connaissons, depuis quatre ans, une tension importante du marché du logement. Depuis la pandémie, peu de citoyens ont déménagé et la construction de logements nouveaux est insuffisante. Cette tension est renforcée par l’objectif de Zéro artificialisation nette (ZAN) qui vise à réduire drastiquement l'extension des villes en limitant les constructions sur les espaces naturels ou agricoles. Nous devons trouver des solutions pour remédier à cette tension. L’une d’elle est, par exemple, de réhabiliter les friches. Néanmoins, cela ne peut pas être le seul remède, car ces réhabilitations sont souvent des processus longs, coûteux, avec une faible production en volumes.
Quels sont les défis à relever face à cette situation ?
Ils sont au nombre de trois. Le premier consiste à mobiliser le foncier et accompagner les opérateurs pour répondre aux enjeux de production. Le deuxième concerne l’habitat dit spécifique (logement étudiant, sénior, intergénérationnel, inclusif…). L’objectif étant que l’offre proposée soit véritablement en adéquation avec les besoins des habitants et du territoire. Enfin, le troisième enjeu est la dynamique du marché. À savoir, comment diversifier le marché immobilier et trouver des montages innovants permettant de faciliter l’accession à la propriété dans des territoires en déprise et jugés non dynamiques.
L’agglomération de Valenciennes a longtemps été considérée comme un laboratoire de la politique nationale de rénovation urbaine. Pour quelles raisons ?
Notre agglomération s’est structurée autour des années 2000 grâce aux actions de Jean-Louis Borloo, président de Valenciennes Métropole de 2001 à 2008. Ministre délégué à la Ville de 2002 à 2004, il met en place l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) et décide de faire de Valenciennes un laboratoire de cette politique. L’héritage a ensuite été transmis aux autres présidents de Valenciennes Métropole, à savoir Valérie Létard puis Laurent Degallaix qui ont accompagné et renforcé cette ambition. Depuis cette période, nous avons toujours privilégié la vision de l’intérêt général et une « majorité de projet » à l’échelle de l’intercommunalité. Cela fait partie des facteurs clés qui nous ont permis de dépasser les possibles clivages politiques.
Quel a été l’apport de Valérie Létard dans cette politique ?
Dès 2008, quatre ans après la création de l’ANRU et le lancement du Programme national de rénovation urbaine (PNRU), Valérie Létard a souhaité porter une nouvelle ambition politique : celle de développer une stratégie de renouvellement urbain qui dépasse le seul PNRU. L’idée était de ne laisser aucun territoire de l’agglomération « au bord du chemin » et de définir une stratégie urbaine qui intègre les enjeux spécifiques du territoire, pour aller chercher ensuite les financements adaptés.
Concrètement, comment cela s’est mis en place ?
5 axes d’intervention ont été définis. Le premier concerne la restructuration des quartiers d’habitat social dans le cadre tout d’abord du PNRU puis du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU). Le deuxième porte sur les cœurs de villes et les centralités. Le troisième concerne les cités minières. En effet, 20 % des logements sociaux du territoire sont des logements miniers. En 2015, une démarche d’étude a été lancée avec les élus afin de hiérarchiser 10 cités prioritaires sur les 70 que comptent le territoire. Cette anticipation a permis à Valenciennes Métropole d’être prête lors du lancement des financements du Fonds européen de développement régional (FEDER). Idem pour les financements liés à l’Engagement pour le renouveau du bassin minier (ERBM) à partir de 2017. La quatrième thématique concerne les centres-bourgs et les communes rurales où une étude a été réalisée pour définir les projets prioritaires. La cinquième thématique concerne les friches dites moyennes (moins de deux hectares) localisées dans l’enveloppe urbaine. Là encore, une étude a été lancée.
Quel est le but de ces études ?
La finalité est d’aboutir à des pré-projets chiffrés. La démarche est toujours la même : commencer par une photo de la situation afin de catégoriser le sujet étudié. Puis sélectionner les secteurs prioritaires et réaliser enfin des zooms urbains pré-opérationnels. Cette stratégie a permis à la Métropole d’avoir, sur chaque axe d’intervention et en amont de la création des différents dispositifs de soutien, sa propre « géographie prioritaire » et par conséquent de pouvoir mobiliser ces dispositifs très rapidement dès leur lancement. Cela a notamment été le cas pour Action cœur de ville ou le Fonds friches.
Comment parvenez-vous à mobiliser les acteurs du territoire dans l’élaboration de ces projets ?
La configuration de l’agglomération qui compte près de 192 000 habitants montre l’importance de la cohésion intercommunale. La ville-centre, Valenciennes, compte plus de 45 000 habitants. La deuxième commune compte seulement 13 000 habitants. 23 communes (sur 35) abritent moins de 5 000 habitants. Dans le cadre du PNRU, les premiers dossiers se sont montés à l’échelle intercommunale afin de mutualiser les forces et faire face à ce programme d’envergure nationale. Au-delà du dispositif du PNRU, la dynamique du territoire pousse les maires à adopter une vision plus large que celle de leur propre territoire. Par exemple, dans le cadre de l’élaboration et de l’évolution du Plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) approuvé en mars 2021, un comité de pilotage stratégique composé d’élus à la fois maires et vice-présidents a été mis en place pour partager les décisions de manière collégiale.
Quelle est la place de la Métropole dans ce fonctionnement ?
Dès 2005, la Métropole a décidé de mettre en place une équipe dédiée aux projets de renouvellement urbain. Le fait d’avoir joué ce rôle de laboratoire lors du PNRU a permis d’enchainer plus facilement les candidatures à d’autres dispositifs, comme celui du Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés (PNRQAD) en 2009 ou du Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) lancé en 2014. Néanmoins, la Métropole laisse la main aux communes sur la gestion des équipements. Elle n’a pas vocation à gérer directement les services, sauf pour les déchets et quelques équipements communautaires. Le choix est clairement porté sur des investissements conséquents – avec des budgets d’investissement qui s’élèvent à 80 millions d’euros par an en moyenne. Ces investissements permettent de limiter les apports financiers des communes en matière de rénovation urbaine et de développement économique. Ce sont de véritables éléments fédérateurs pour la structure intercommunale.
Quelle méthode avez-vous adoptée pour le traitement des friches ?
Au départ, la requalification des friches a suivi une logique de projets indépendants les uns des autres. Il s’agissait principalement de traitements au cas par cas, en fonction de l’ampleur de chaque friche, lorsqu’une entreprise faisait faillite notamment. La stratégie adoptée à partir de 2020 a reposé sur la sélection d’une dizaine de friches prioritaires qu’elles soient d’origine industrielle, patrimoniale ou agricole.
Comment les sélectionnez-vous ?
La sélection porte sur trois critères : le premier est la complexité du site, par exemple s’il s’agit d’un site pollué, doté d’un intérêt patrimonial fort, ou présentant une dureté foncière importante… Il s’agit souvent de friches complexes dont la requalification n’a pu, faute de dynamique suffisante, être portée par des initiatives privées. Le deuxième critère est la localisation car l’enveloppe urbaine et la proximité de grands axes de transports permettent de faire levier sur l’attractivité des friches. La troisième est la priorisation politique par les maires en cas de présence de plusieurs friches prioritaires au sein de chaque commune.
Que se passe-t-il après cette phase de sélection ?
Une fois les sélections faites, l’engagement entre la commune et la Métropole est formalisé. Cela permet de qualifier le projet de friche d’intérêt communautaire. Concrètement, cela rend la Métropole compétente pour l’aménagement dans le périmètre déclaré d’intérêt communautaire. Trois conditions sont à respecter impérativement pour que la Métropole s’engage : partager un projet commun, engager si nécessaire des procédures pour maîtriser le foncier, répartir le reste à charge à parité entre la commune et la Métropole.
Quelles sont vos pratiques en matière de veille ?
En 2018, « RDV avec la ville », un congrès national pour la rénovation urbaine, le logement et la politique de la ville a été organisé à Valenciennes. Il a regroupé plus de 80 représentants de territoires et près de 1 000 participants. Cet évènement a permis de confronter les visions des différents acteurs comme les promoteurs, les bailleurs sociaux et les collectivités. De manière générale, nous donnons de l’importance aux retours d’expérience qui permettent d’amorcer une autocritique, de réussir à comprendre et définir des enjeux. Par exemple, nous avons travaillé sur les questions de diversification dans les territoires en déprise, à travers notamment le développement potentiel du Bail réel solidaire (BRS). Le PLH que nous sommes en train d’élaborer et qui sera approuvé courant 2023 doit d’ailleurs traduire très concrètement ces enjeux dans la feuille de route que se fixe Valenciennes Métropole pour les prochaines années. Cela doit nous amener à faire évoluer nos dispositifs d’intervention financiers pour mieux coller à ces nouvelles priorités.
Propos recueillis le 03/06/2022 par Matthieu Boury, fondateur d’haRGENTIC